La société, cette personne à part entière
Les qualités de bailleurs et d’associés d’une société preneuse en place ne se confondent pas. Une règle qui n’échappe pas au paiement de l’indemnité de sortie de ferme.
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L’histoire
Parce qu’elle jouit d’une personnalité morale autonome, la société ne saurait la confondre avec celle de ses associés. Yves et Anne ne pourront que confirmer. Propriétaires d’un petit domaine viticole, ils l’avaient donné à bail à une société civile d’exploitation agricole (SCEA) constituée entre eux, seuls associés. Au cours du bail, la SCEA avait réalisé des améliorations, dont Yves et Anne avaient approuvé la réalisation. Mais après des difficultés financières, elle avait été placée en liquidation, le bail résilié et le domaine vendu sur saisie immobilière. Le liquidateur avait saisi le tribunal paritaire en paiement par l’acquéreur de l’indemnité au preneur sortant.
Le contentieux
La SCEA, « preneur sortant », ne pouvait-elle pas prétendre à une indemnité au titre des améliorations réalisées sur le domaine ? L’article L. 411-69 du code rural dispose que « le preneur qui a, par son travail ou ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué, a droit, à l’expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur ». Certes, le liquidateur n’ignorait pas que pour donner lieu à indemnisation, les améliorations culturales doivent avoir été exécutées avec l’autorisation du bailleur ou après notification de la proposition du preneur. Mais même si cette procédure n’avait pas été respectée, Yves et Anne, qui avaient la qualité de bailleurs et d’associés de la SCEA, avaient nécessairement eu connaissance des travaux et les avaient, au moins implicitement, approuvés. Aussi, comme preneuse sortante, la société devait pouvoir bénéficier d’une indemnité, selon son liquidateur, à la charge du nouvel acquéreur, venu aux droits d’Yves et Anne.
Mais le nouveau propriétaire avait brandi une jurisprudence établie, selon laquelle la seule connaissance par le bailleur de la réalisation des travaux et son absence d’opposition ne peuvent équivaloir à une acceptation. Selon lui, la société civile, qui était dotée de la personnalité morale, avait la qualité de preneur. Elle devait de son chef solliciter l’autorisation des bailleurs, ce qu’elle n’avait pas fait. Aucune indemnité de sortie ne lui était alors due.
Les juges avaient décidé d’accueillir favorablement la demande de la société. Les bailleurs du domaine et associés au sein de la SCEA avaient nécessairement eu connaissance de la nature des travaux que souhaitait réaliser la société et donné de manière tacite un accord non équivoque. Un raisonnement qui a été censuré par la Cour de cassation. La confusion des qualités de bailleurs et d’associés de la SCEA ne la dispensait pas de se conformer à la procédure.
L’épilogue
Devant la cour de renvoi, l’acquéreur du domaine pourra s’opposer à la demande du liquidateur : le principe de la personnalité morale de la société posé par l’article 1842 du code civil s’impose, quelle que soit la situation juridique de ses associés.
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